Mars 2021, une année de crise sanitaire est passée et nous ressentons comme une succession d’incohérences et d’absurdités.
Une possible réouverture le 15 avril pour les cinémas et début mai pour les salles de spectacle, nous dit la rumeur, justement à l’heure où on parle de reconfinement partiel ou total. Rien n’est officiel, rien n’est certain !
Aujourd’hui,
nous pouvons jouer un spectacle devant une trentaine de professionnel·le·s mais pas devant une trentaine de personnes du public,
nous pouvons nous entasser dans les transports en commun mais pas en petit nombre, espacé·e·s, dans les cinémas ou les salles de spectacle car nous ne serions pas assez responsables pour éviter de boire des verres tous ensemble jusqu’à la fin de la nuit, en sortant,
nous pouvons nous entasser dans les supermarchés juste avant le couvre-feu, mais les musicien·ne·s de Nautilis ne peuvent pas jouer en extérieur, pour quelques étudiant·e·s de l’Université de Bretagne Occidentale – qui sont pour certain·e·s dans un état de souffrance et d’incompréhension du monde qui ne cesse de croitre.
Depuis un an, l’ensemble Nautilis équilibre son budget car nous « gérons » et les aides publiques nous ont permis de ne pas mettre la clé sous la porte alors soyons heureux de vivre en France. Notre budget « salaires artistiques » a cependant subi une baisse de 67 % et donc les artistes et technicien·ne·s que nous n’avons pas pu rémunérer, qui ne touchent pas d’aide, vont se retrouver sans aucune ressource, si l’année blanche n’est pas reconduite. Et pour celles et ceux qui auront la chance de ne pas être exclu·e·s du système, leurs indemnités de chômage seront fortement réduites à partir du 1er juillet, sous l’effet de cette nouvelle réforme de l’assurance chômage. Ceci est vrai pour tous les chômeur·se·s, pas exclusivement les intermittent·e·s du spectacle.
Depuis un an, toute la profession oeuvre avec bienveillance et énergie pour maintenir une vie professionnelle, des relations aux publics, pour reporter et reporter et reporter, de mois en mois les projets, les programmations, à tel point qu’aujourd’hui, les nouvelles perspectives de diffusion, en dehors des reports, se raréfient cruellement, tellement les lieux qui accueillent nos musiques ont saturé leurs agendas. L’activité de Nautilis repose également pour partie sur des échanges et des tournées à l’international. Nous maintenons les contacts avec nos ami·e·s aux USA, en Italie, en Chine, au Canada et au Brésil mais là aussi, nous sentons bien que plus rien ne sera comme avant.
Nous sommes inquiets, à l’heure où nous devrions commencer à imaginer un avenir plus construit et plus réfléchi que celui qu’on nous propose à la petite semaine depuis bientôt un an, les seules perspectives à long terme laissent présager la restriction.
L’Ensemble Nautilis fabrique de la musique, avec une forme de liberté de création, une musique qui a toujours rencontré son public, dans un souci permanent de proximité et d’irrigation, de diversité et de croisements artistiques. Nous souhaitons garder ce cap, essentiel pour la liberté de créer, la folie, l’amour des sons et l’improvisation musicale.
Nous aimerions ne pas donner raison à Naomi Klein, quand elle écrit dans La Stratégie du choc, qu’à chaque crise, quel que soit sa nature, l’ultra-libéralisme en profite pour remodeler les sociétés à son avantage par tous les moyens, au détriment des citoyen·ne·s, et du vivant. Ceci expliquerait-il cela ?